By IWACU
Le Burundi vient d’ouvrir sa bourse. Mais à lire la définition d’une « bourse » dans le dictionnaire économique, je reste dubitatif : « Une bourse financière permet de faciliter le financement des entreprises, d’offrir des opportunités d’investissement, de fournir un marché liquide et transparent, et de servir de baromètre économique ».
Dans un contexte de marasme économique où tous les signaux sont au rouge, cette bourse veut « offrir des opportunités d’investissement aux entreprises ».
Quelles entreprises ? Quelles opportunités ? Les questions s’entrechoquent dans ma tête : « Fournir un marché liquide et transparent… » Vraiment ? Nous sommes où-là ?
Avant d’arriver à vendre des titres sur ce marché de capitaux, il y a d’abord des brèches à colmater. Assainir. Rassurer pour convaincre des investisseurs de venir risquer leurs capitaux dans un pays où le patron de la Banque Nationale a été arrêté et accusé de malversations financières puis libéré. Affaire classée sans suite.
Si j’étais investisseur, je réfléchirais deux fois. On n’est jamais assez prudent. Même dans les économies stables, lorsqu’on investit en bourse, il existe toujours un risque de perdre une partie ou la totalité du capital investi. Au Burundi, le risque est encore accru. Il faudrait être un peu téméraire. Je pèse mes mots.
Pire encore, elles ne le disent pas haut, mais les banques burundaises sont très endettées, leurs ressources sont essentiellement prêtées à l’Etat, la dette publique intérieure frôle les 50 %. Et comme si ce mal ne suffisait pas, voilà que certaines banques en rajoutent en se lançant dans une aventure boursière.
Un spécialiste m’a expliqué « qu’il ne faut pas investir plus que ce que l’on est prêt à perdre ». En d’autres termes, il faut être fort, avoir plus d’une corde à son arc, des économies pour qu’en cas de perte, on puisse se relever et continuer.
Quelles entreprises, quelles banques au Burundi sont assez solides pour être prêtes à perdre de l’argent éventuellement? Toutes sont en « mode survie ». Je peux me tromper.
Et on ne voit pas les investisseurs se bousculer et le secteur privé est loin d’être dynamique. Je n’ai même pas évoqué l’absence d’un cadre d’information financière, car investir en bourse nécessite une bonne compréhension des marchés et des produits financiers. Ce qui ne semble pas le cas.
Pour faire simple : pour qu’une bourse financière soit viable, il doit y avoir suffisamment d’acheteurs et de vendeurs, une stabilité économique et politique et les investisseurs doivent se sentir en confiance. Ces conditions essentielles, ne nous voilons pas la face, je ne sais pas si elles sont là.
Les Burundais, dans leur humour infini, qui leur permet de ne pas craquer, disent qu’à la « bourse de Mwaro », le jour du marché, celui-ci est rempli d’acheteurs qui n’achètent pas à cause de leur avarice proverbiale. Je ne veux pas être rabat-joie. J’espère que la bourse du Burundi ne sera pas comme le marché de Mwaro, qu’elle sera riche et dynamique.
Mais au fond, comme des millions de Burundais, est-ce que cette « bourse » me concerne ? Peut-être. Mais je n’ai pas un rond à investir. Je « vis » à découvert. Si ce soir en rentrant un bandit m’arrêtait en disant « la bourse ou la vie ». Je lui dirais, prends ma vie. C’est tout ce qui me reste…
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