By IWACU
En moins d’un mois, deux chauffeurs de taxi ont été enlevés, tués et leurs voitures volées. Les autres travaillent dans la panique surtout la nuit puisque de tels cas sont devenus monnaie courante. La Police nationale tranquillise. Elle dit avoir déjà démantelé un groupe de criminels à Kanyosha
En mairie de Bujumbura, les chauffeurs de taxi vivent une situation désastreuse. Des criminels se font passer pour des passagers. Ils kidnappent alors les taximen, les tuent et volent leurs voitures. La criminalité a culminé avec l’enlèvement et l’assassinant de deux taximen depuis le 7 mars 2024.
Emmanuel Ndagijimana, un chauffeur de taxi, a été porté disparu le jeudi 7 mars. Cet acte ignominieux a été commis par des gens qui se sont fait passer pour des clients.
Sa famille a cherché partout pour le retrouver mais en vain. Sa voiture n’a pas été retrouvée. Son corps a été retrouvé dans un cimetière à Ruziba le 11 mars soit presque une semaine après sa disparition.
Un autre taximan a subi le même sort le jeudi 14 mars. Il s’agit de Nestor Ntawunkiza, natif de de la commune Mutambu. Sa famille habite dans le quartier Ruziba, zone urbaine de Kanyosha au sud de Bujumbura. Il était chauffeur de taxi depuis plusieurs années.
Sa voiture a été amenée avec lui par des kidnappeurs. Ses proches et ses pairs ont sillonné les prisons de Bujumbura pour tenter de le retrouver, mais sans succès. Son corps sans vie a été retrouvé dans une toilette dans un domicile à Ruziba.
Ces meurtriers utilisent les mêmes méthodes. Ils se font passer pour des clients. Quand ils arrivent dans un lieu prévu pour le crime, ils se jettent sur le chauffeur. Ils le tuent et volent la voiture.
Une menace quotidienne
Elvis Twagirayezu est un chauffeur de taxi à Carama, zone urbaine de Kinama en commune urbaine de Ntahangwa. Il dit avoir échappé de justesse à la mort à deux reprises.
Que s’est-il passé par exemple pour la première fois ? Deux clients sont venus et lui ont demandé de les transporter à Gasenyi. « L’un d’entre eux restait au téléphone. Ce qui m’a inquiété. En cours de route, les deux hommes m’ont dit que leur destination venait de changer et qu’il fallait que je les conduise à Buyenzi. Ce que j’ai refusé. Soudain, l’un d’entre eux m’a sauté dessus. On s’est battu pendant quelque vingt minutes. Quand j’ai crié au secours, les deux criminels ont pris le large », témoigne-t-il.
Aboubacar Muhammad a également échappé de justesse à la mort. Il a déplacé un client du centre-ville au quartier Kamesa en zone urbaine de Musaga vers 22 h. Arrivé sur le pont Muha, le passager lui a demandé de s’arrêter pour qu’il puisse faire le petit besoin. « J’ai refusé et je me suis arrêté sur la première avenue de Musaga. Le passager en question remarquant que ses plans venaient d’échouer, il a fait semblant d’aller faire son petit besoin et n’est jamais revenu. J’ai rebroussé chemin la peur au ventre. Depuis ce jour, je ne peux pas dépasser 20h ».
Une autre scène se passe en décembre 2023 dans la zone urbaine de Buyenzi, de la commune urbaine de Mukaza, en mairie de Bujumbura, la capitale économique. Des gens qui se sont déguisés en clients demandent au chauffeur de déplacer leur colis.
Sans hésiter, le chauffeur accepte. Il ne savait pas qu’il venait de tomber dans un piège. Ils ont alors embarqué le colis à vendre dans le taxi, emballé dans plusieurs cartons qu’ils avaient. « Quand nous sommes arrivés à Mutakura, ils m’ont demandé de m’arrêter un peu et que je pouvais même facturer le stationnement. Après quelques minutes, je me suis impatienté du fait qu’ils tardaient à revenir », raconte-t-il.
C’est ainsi qu’il a eu une intuition de vérifier le genre de colis qu’avaient « ses clients ». Il a été stupéfait de remarquer que les cartons étaient remplis de grosses pierres. C’est à ce moment qu’il a compris qu’il allait être volé ou kidnappé. « J’ai alors demandé au secours dans une famille proche du lieu. J’ai aussi refusé de continuer la route. Ils ont décidé d’abandonner leurs bagages ».
Plusieurs taximen présentent des cicatrices du fait qu’ils ont été blessés lors d’une tentative de vol. Cette situation met les chauffeurs et les propriétaires des taxis dans l’embarras et la panique. Certains ont même abandonné de déplacer les clients la nuit. « À partir de 18 h, je mets ma voiture en lieu sûr. Je ne peux pas risquer ma vie. La situation est devenue dangereuse. C’est difficile de différencier un criminel et un client ordinaire », fait savoir un autre taximan rencontré.
Face à ces situations, des chauffeurs de taxi s’inquiètent beaucoup et ils n’ont plus confiance en leurs clients. Ils refusent actuellement aux clients de s’asseoir seuls en arrière s’ils sont plusieurs. Un parmi les clients doit nécessairement s’asseoir à côté du chauffeur pour que ce dernier puisse maîtriser leurs mouvements.
A titre d’exemple, M. R est une femme journaliste. Le 16 mars, elle devrait déplacer son enfant malade vers l’hôpital. Le chauffeur lui a refusé de s’asseoir derrière. Quand elle lui a demandé les raisons, le taximan a évoqué des raisons de sécurité.
Cette situation d’insécurité a des conséquences graves surtout pour les chauffeurs dont les voitures ne sont pas les leurs. Il est difficile pour eux de se limiter dans le temps de peur de manquer des versements pour leurs patrons. « Seuls les chauffeurs de taxi qui conduisent leurs propres véhicules travaillent plus ou moins dans de bonnes conditions de sécurité. Ils n’ont pas à donner des versements à d’autres personnes. Ils peuvent se reposer dans la soirée et travailler le jour seulement », explique un propriétaire de taxi.
Un groupe de criminel démantelé
Dans la matinée du 18 mars 2024, Désiré Nduwimana, porte-parole de la Police nationale du Burundi, a présenté un groupe de criminels de trois personnes. Il s’agit de Tharcisse Mbasabimana natif de la commune Ntega, Gilbert Mujawimana de Kanyosha et Jean-Marie Niyonzima de la commune urbaine de Muha.
Ces personnes sont accusées par la Police d’avoir commis des meurtres répétitifs sur des taximen pour voler leurs véhicules afin de les revendre après les avoir déclassés.
La police précise la manière dont elles procédaient. « Il y a une maison d’un colonel militaire à Busoro que Mbarushimana Alias Kaka était appelé à garder. Il y vivait seul. Ces deux autres co-auteurs appelaient un taximan pour un service. Ils l’introduisaient dans un ménage sous forme de charger des bagages dans son véhicule. Ils le tuaient et jetaient son corps tout nu dans un lieu bien déterminé. Ils déclassaient le véhicule et vendaient les pièces ».
D’après Désiré Nduwimana, un corps sa vie a été retrouvée au cimetière de Ruziba. La victime a été identifiée par son employeur. Elle s’appelait Emmanuel Ndagijimana, un chauffeur de taxi porté disparu le jeudi 7 mars.
Après les enquêtes, la Police a arrêté un des criminels qui utilisait le téléphone de la victime. Ce dernier a dénoncé ses complices et montré le lieu du crime.
Selon le porte-parole de la Police, les agents de la sécurité de Kanyosha ont visité la maison où s’est produit le meurtre. Ils y ont trouvé plusieurs véhicules déclassés. Ce qui laisse supposer que plusieurs personnes y ont été tuées. « Le 18 mars 2024, d’autres individus ont signalé la disparition de leur chauffeur d’un taxi de marque Succeed. De toute façon, le disparu aurait été tué par le groupe des trois criminels arrêtés car, des pièces déclassées d’un véhicule de marque Succeed ont été trouvées dans le ménage où ces criminels ont été attrapés » suppose-t-il.
Le mardi 26 mars 2024, Pierre Nkurikiye, porte-parole du ministère de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique a animé une conférence de presse sur des cas d’enlèvements et de meurtres.
Il a apporté des informations supplémentaires sur la communication faite le 18 mars par le porte-parole de la Police. Il a précisé en effet que le corps retrouvé dans le cimetière à Ruziba est celui d’Emmanuel Ndagijimana, un taximan kidnappé le 7 mars.
Il a ajouté que le 20 mars, un autre cadavre a été découvert. Il s’agit de celui de Nestor Ntawunkiza, un deuxième taximan disparu le 14 mars. Le cadavre a été retrouvé dans les latrines de l’un des auteurs à Ruziba. Il se trouvait chez un certain Jean-Marie Niyonzima.
Pierre Nkurikiye rappelle à la population d’alerter la Police à temps en cas d’absence suspecte d’une personne ou d’un enlèvement. « Les enlèvements sont des crimes commis partout dans le monde. Chaque fois que pareils cas se présentent, des institutions d’enquêtes font leur travail pour tenter de retrouver les personnes kidnappées et attraper les criminels. Ce n’est pas dans tous les cas où on les retrouve ».
Le porte-parole du ministère de l’Intérieur déplore le fait que la population est désorientée et ne sait pas l’attitude à prendre pour agir en temps réel. « En matière pénale, chaque minute qui part est une vérité qui disparaît et c’est une vie fauchée. Vous traînez sur les réseaux sociaux, chez des acteurs anonymes ou identifiés qui se réclament être de grands défenseurs des droits de l’Homme alors que ce sont des criminels recherchés par la justice », a-t-il fait observer.
Il invite alors tout un chacun à la vigilance. « Quand vous constatez l’absence injustifiée d’un voisin, d’un ami ou d’une connaissance, il faut vous adresser à la police ou à l’administration. Chaque colline a désormais un policier responsable et toutes les communes ont des OPJ. Il y a également des parquets et autres organes judiciaires. Les informations sont centralisées », précise-t-il.
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