By IWACU
« Mangosuthu Buthelezi, Tshisekedi wa Mulumba, John Fru Ndi,… » A tort ou à raison, les détracteurs de l’« ancien » président du Congrès national pour la liberté ( CNL), Agathon Rwasa, le comparent à ces chefs charismatiques de l’opposition en Afrique qui ont régné sur leurs partis sans partage pendant plusieurs décennies. En guise d’exemple, Buthelezi a été à la tête de l’Inkatha Freedom Party (IFP) en Afrique du Sud depuis la création en 1975 jusqu’en 2016. Agathon Rwasa est à la tête du CNL, qui a changé à maintes reprises d’appellation, depuis le maquis jusqu’au récent « congrès » du parti convoqué dimanche 10 mars 2024 à Ngozi par des cadres « exclus officiellement du bureau politique du CNL ». Il est traité de tous les noms, mais ses tombeurs lui reprochent principalement d’avoir une tendance à être un macro-démocrate et un micro-autocrate. « Il clame la démocratie à l’échelle nationale alors qu’il dispense des cours magistraux en autocratie au sein de notre parti. »
Avec ses sympathisants, Agathon Rwasa dénonce « une farce de mauvais goût, une tentative de putsch, une ingérence intolérable du gouvernement dans les affaires internes du parti. » Pour le politique Tatien Sibomana, ce qu’il faut tirer de ce congrès de Ngozi, c’est le rôle du ministre de l’Intérieur qui, selon lui, a orchestré la crise et qui vient de consommer la scission au sein du CNL. « Depuis le début de la crise, toute personne avisée voyait que c’est la main du ministre de l’Intérieur qui soutenait la dissension au sein du CNL. »
Pour rappel, le CNL, principal parti d’opposition au Burundi, a vu ses activités suspendues par le ministère de l’Intérieur en raison d’ « irrégularités » lors de ses deux congrès, l’un ordinaire le 12 mars et l’autre, extraordinaires, le 30 avril 2023, visant à doter le parti de nouveaux statuts et règlements intérieurs conformément au nouveau découpage administratif du pays, qui sera effectif en 2025. « Toutes les activités organisées par les organes irrégulièrement mis en place sont suspendues à travers le pays … Seules les réunions organisées dans le but de dénouer les tensions au sein du parti sont autorisées », pouvait-on lire dans un courrier du ministre adressé à Agathon Rwasa daté du 2 juin.
Dans son ouvrage Être opposant en Afrique, Charly Hessoun démontre comment c’est téméraire, voire suicidaire de se déclarer opposant en Afrique. C’est une option à haut risque. « Faites un tour d’Afrique, partout où vous posez votre valise, fonctionne avec une redoutable efficacité la machine à casser ou à caser de l’opposant. Il s’agit de faire douter celui-ci, de l’ébranler au plus profond de lui-même, pour qu’il s’aplatisse comme une crêpe ». Pour Hessoun, la machine propose quatre réponses : bonbon, bâillon, prison, morgue.
Le dictionnaire définit le bâillon comme « morceau de bois ou de fer, tampon d’étoffe que quelqu’un introduit de force dans la bouche d’une personne qu’il veut empêcher de parler ou de crier ». M. Rwasa a refusé de savourer la carotte lui offerte généreusement pour troquer son maillot d’opposant. Depuis les élections de 2010, selon plusieurs observateurs, il a été un opposant constant et consistant, n’a pas accepté le bonbon du pouvoir en vue de changer radicalement. Il est devenu, au contraire, un adversaire d’un autre calibre, gênant le parti au pouvoir. M. Rwasa commençait à prendre du galon au niveau international (invité à plusieurs conférences transnationales), de l’opposition et des médias. « Comment le Cndd-Fdd aurait-il croisé les bras ou fermé les yeux devant un adversaire du calibre de Rwasa, lequel mène aussi le combat contre cette formation politique ? », s’interroge un politologue.
Paraphrasant l’expression très utilisée en matière pénale : « A qui profite le crime ? », Tatien Sibomana pense que « le crime profite au parti au pouvoir par l’entremise du ministre de l’Intérieur. » Je dirais, de ma part, que le crime ne profite à personne. C’est le déclin, le recul de la démocratie alors que tous nos politiques se targuent d’être démocrates, malheureusement…
Discussion about this post