By IWACU
Depuis l’adoption par le Conseil des ministres du 3 janvier 2024 du projet de décret portant statuts de la Société pétrolière du Burundi chargée de l’importation des carburants, plus d’un, notamment les pétroliers, se demandent si enfin la question liée aux pénuries récurrentes des carburants sera réellement résorbée au Burundi. Parviendra-t-elle aussi à mettre fin à l’opacité qui caractérise la gestion de ce secteur depuis un bon bout de temps ?
Alors que la Regideso, qui sera bientôt sur la touche, n’a pas encore rendu un bilan à mi-parcours, histoire de comprendre de ce qui aurait marché ou pas depuis que le gouvernement lui a confié l’importation des produits pétroliers, en août 2022. Du moins officiellement.
L’annonce du projet décret portant statuts de ladite société a pris tout le monde de court. « En tout cas, les élus du peuple doivent s’y pencher. Dans le pire des cas, une commission devrait préalablement rendre public ce qui n’a pas marché avec la Regideso afin que cela serve de leçons », laisse entendre déjà un ancien cadre de Kobil. Une société de droit kényan, qui a été rachetée par Rubis, une société française. « Si cette mise sur pied venait à être entérinée sans audit préalable, sachez-le, il y aura une volonté de fausser certaines pistes », met-il en garde.
L’objectif de cette nouvelle société qui sera exclusivement chargée des produits pétroliers, comme l’a laissé entendre Ibrahim Uwizeye, ministre de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines, sera de permettre au gouvernement de pouvoir constituer le stock stratégique du carburant.
Une réponse, selon lui qui permettra de résoudre, notamment les problèmes du pays liés aux perturbations dans les approvisionnements en carburant. Un corollaire en grande partie, d’après lui, résultant du fait que les sociétés privées intervenant dans ce secteur n’ont pas de capacité financière suffisante et doivent recourir à la banque centrale. Sans oublier certaines d’entre elles qui n’utilisent pas l’entièreté des devises reçues pour l’importation du carburant pour les inonder sur le marché noir. Ce qui cause des pénuries répétitives
D’ores et déjà, prévient un commerçant de produits pétroliers, dans un contexte de manque de devises, sans oublier les magouilles qui jonchent le secteur, une tâche qui s’annonce ardue.
L’enjeu majeur étant de rassurer les fournisseurs concernant sa solvabilité. « Compte tenu du contexte socio-économique du pays, c’est ce qui importe ! Rassurez les fournisseurs. Outre le fait, que l’on ne prête pas à une personne que l’on ne connaît pas, c’est un business qui tend à se politiser. Des velléités, des fois, peuvent inquiéter le fournisseur, surtout lorsqu’il commence à s’observer des retards de paiement. C’est cela qui fera sa renommée : c’est-à-dire sa marge de manœuvre pour éviter les ruptures de livraison en cas de manque de devises » , indique un autre commerçant.
Alors qu’initialement, toutes les commandes se font les lundis et jeudis, notre source explique qu’ils peuvent passer deux semaines voire trois semaines sans qu’ils aient l’autorisation d’aller charger le carburant alors qu’ils ont versé l’argent requis sur les comptes bancaires de la Regideso. Une grave entorse à leur business. « Le hic, c’est qu’une fois que les 15 jours sont dépassés, ton bon de commandes expire. C’est -à-dire que tu dois le renouveler. Pendant ce temps, comme la plupart d’entre nous, utilise l’argent des banques, il y a les pénalités sur les intérêts de retard qui montent en flèche. »
Selon lui, un problème que la nouvelle société devra vite résoudre. Face à cette problématique, il suggère : « A défaut de partager toutes les pertes liées au retard de livraison, le gouvernement doit instruire aux banques d’être souples avec les importateurs de carburant, en ce qui concernant la capitalisation des intérêts ».
D’autres préoccupations
La révision de la réglementation en vigueur concernant l’imposition à la vente des carburants est une autre doléance des commerçants des produits pétroliers. Il s’agit d’une donne sur laquelle la nouvelle société devra vite se pencher.
Surtout que par le passé, le gouvernement subventionnait le manque à gagner lié aux fluctuations du dollar par rapport au prix du litre à la pompe une fois importé.
La plupart des commerçants des produits pétroliers soutiennent que la nouvelle société doit vite se pencher sur la réglementation en vigueur en matière d’imposition. « Si le gouvernement veut que l’importation des carburants soit du ressort d’une société de droit public, pourquoi la marge liée aux frais de dédouanement doit-elle se répercuter sur nous autres vendeurs ? »
Ils font allusion aux impôts et taxes en constante hausse imputés aux vendeurs et clients alors que ceux-ci devraient être imputés à la Regideso qui, d’une manière ou d’une autre, est exemptée de certains frais de dédouanement par l’OBR. Ils estiment aussi que la réglementation en rapport avec les « pertes admises » lors du déchargement devrait être revue. « Pourquoi s’en prendre à la flèche alors que le tireur est là ? Nous n’en pouvons plus d’être toujours taxés de voleurs. Que l’OBR ne nous fasse plus payer les pots cassés par la Regideso. Il en est de même pour la nouvelle société, surtout qu’elle sera du ressort du ministère de tutelle ».
Prévenir les ingérences du gouvernement
Face à la crainte de voir leur business mourir à petit feu, nombre de commerçants des produits pétroliers approchés parmi les anciens importateurs, s’interrogent quant à ce qui sera du régime juridique de la nouvelle société. Expérience aidant, beaucoup sont ceux qui estiment que, pour prévenir les ingérences du gouvernement, ladite société devrait être d’un actionnariat mixte. « En tant qu’opérateur économique, je pencherais pour une participation mixte publique-privée. Ceci lui permettrait d’avoir un large champ d’action », laisse entendre un cadre à la Banque centrale de la République qui poursuit en disant que « C’est de la sorte que même le contrôle des devises octroyées par la BRB deviendrait facile ».
Et de renchérir : « Mais, faut-il aussi que la BRB garde la mainmise sur le contrôle des devises ? Je ne crois pas ! C’est vrai que la BRB n’a plus de réserves en devises d’antan, mais, idéalement, ce rôle devrait échoir aux banques commerciales dans lesquelles elle aura ses comptes bancaires. » Constamment vilipendés à cause de l’absence de transparence, ce cadre juge que pour prévenir les ingérences à l’instar de ce qui se fait avec la Regideso, le Conseil d’administration ainsi que les instances de direction devraient être mixtes. « En tout cas, cela éviterait les rumeurs que tel Général a fait ceci et que tel autre a fait cela. C’est cela la redevabilité ».
Un ancien de la BRB exprime un autre vœu. Il se demande si la nouvelle société ne devrait pas également segmenter le marché d’importation. « Il s’agit en effet d’une piste à explorer car, au moins, on sera sûr et certain que toutes les sources d’approvisionnement ne vont pas tarir en même temps. A défaut de devises octroyées par l’Etat, les importateurs privés sauraient où s’approvisionner en devises. A condition qu’ils aient des garanties solides et suffisantes de remboursement à temps ».
Contacté à ce sujet, le ministre de l’Energie, a promis de nous fournir d’amples détails ultérieurement.
Discussion about this post