By IWACU
Le bilan officiel de l’attaque perpétrée, à Vugizo, dans la nuit du 23 décembre 2023, zone Gatumba, commune Mutimbuzi, province Bujumbura est lourd : 19 civils tués et un policier. Parmi eux, des enfants de moins de cinq, des femmes enceintes… Une tragédie fortement condamnée.
Par Pascal Ntakirutimana, Rénovat Ndabashinze et Stanislas Kaburungu
Dans la nuit de vendredi, sur les réseaux sociaux, des informations font état des détonations d’armes, des grenades à la frontière burundo-congolaise La confusion est totale. Aucune précision sur les lieux des coups de feu.
Le matin, quelques confirmations de l’attaque d’hommes armés commencent à filtrer. Mais, elles restent toujours officieuses. Dans les groupes des journalistes, on s’interroge. Des sources à Gatumba disent que l’accès dans la localité de Vugizo, lieu attaqué est interdit. On hésite d’y aller. On tente de contacter plus de sources sur place. Mais, la réponse reste la même : « Oui, il y a eu une attaque, mais, difficile d’arriver sur place. Ce qui est sûr, il y a eu plusieurs morts.», confie une source sur place. On apprendra que des autorités sont arrivées sur place.
Et vers 11h, différents bilans toujours non officiels atterrissent dans les groupes WhatsApp : les uns évoquent plusieurs personnes tuées, une vingtaine, voire plus.
Dans les médias, l’heure de l’édition de la mi-journée approche. Les rédactions hésitent à communiquer l’attaque. Pas encore de communication officielle. Et dans l’après-midi de samedi 23 décembre, le gouvernement communique. « Dans cette attaque lâche, 20 personnes ont été sauvagement assassinées : il s’agit de 12 enfants dont 5 de moins de 5 ans, 3 femmes dont 2 enceintes et 5 hommes adultes dont un policier qui intervenaient pour secourir ces civils », a annoncé Jérôme Niyonzima, secrétaire général et porte-parole du gouvernement.
Lisant un communiqué du gouvernement, il a indiqué que neuf ménages ont été la cible de cette attaque. Il a fait en outre état de 9 personnes blessées qui ont été par après évacuées vers les structures sanitaires. « Leur état n’est pas alarmant », a-t-il tranquillisé, dans cette attaque inqualifiable, d’après lui.
Il a d’ailleurs confirmé que des membres du gouvernement se sont vite dépêchés sur le lieu du drame pour constater l’horreur et réconforter la population.
« Les enquêtes sont déjà en cours pour identifier les terroristes et les traduire devant la justice », a-t-il précisé. « Il s’agit d’un acte terroriste, ignoble et barbare dirigé contre les populations civiles et innocentes majoritairement des enfants et des femmes ».
Via ce communiqué, le gouvernement du Burundi a présenté ses condoléances les plus attristées aux familles qui ont perdu les leurs dans cet acte terroriste et a souhaité un prompt rétablissement aux blessés dont il s’est engagé d’assurer la prise en charge des soins.
« Le gouvernement du Burundi a réitéré son engagement à préserver la paix et la sécurité et , demandé aux comités mixtes de sécurité de redoubler de vigilance surtout pendant cette période des fêtes de fin d’année afin de prévenir et déjouer de tels actes terroristes qui ne font qu’endeuiller le peuple burundais ».
Une attaque condamnée par le président de la République, samedi 23 décembre qui a présenté les condoléances et réconforté les blessés sur son compte X samedi le 23 décembre.
Les derniers adieux
Des pleurs, des cris, des évanouissements … l’émotion était grande à Gatumba, commune Mutimbuzi, province Bujumbura ce mardi 26 décembre 2023 au cours des cérémonies d’inhumation de 19 victimes de l’attaque de vendredi dernier, à Vugizo.
Une foule immense s’était rassemblée devant l’église catholique de Gatumba en attente de l’arrivée des cercueils. Le ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, Martin Ninteretse est arrivé sur place autour de 8h30. D’autres autorités l’ont rejoint après dont des députés, des sénateurs, etc.
Sur les visages, c’est la désolation qui se lit. Des gens échangent en petits groupes. Notons la présence des forces de l’ordre et des membres de la Ligue des jeunes affiliés au parti au pouvoir.
C’est finalement vers 10h30 que le premier véhicule militaire débarque. A bord, quelques cercueils. Et la foule commence à bouger. Des pleurs commencent à se faire entendre de part et d’autre. Et c’est le moment des derniers hommages.
Et pour rassurer les proches des victimes, les organisateurs ont pris le soin de rouvrir chaque cercueil. Des gens réclamaient de voir de leurs yeux les leurs avant de leur dire adieu. « Il faut me montrer son visage. Il est là, il est là, mon enfant. Je ne parviens pas encore à comprendre pourquoi mon enfant a été tué. Qu’a-t-il fait pour mériter cela ? », réclamait une femme qui a perdu son enfant.
Choquée, abattue, quatre jours après la tragédie, cette maman, la trentaine ne croit pas encore qu’il ne reverra plus son enfant. Elle est inconsolable.
Dans la foule, d’autres voix, des cris se faisaient entendre : « Tu nous laisses orphelins. … Mon enfant, ils t’ont tué pour rien. Il faut qu’ils paient pour ce crime. Maman, tu me laisses avec qui ? Pourquoi t’ont-ils ôté la vie ? Voilà, je reste seul : tous mes parents, mes frères partent. Que vais-je devenir ? … »
Un autre jeune a perdu tous les membres de sa famille. Par miracle, le jour de l’attaque lui n’était pas à la maison : « Que vais-je devenir ? Oh mon Dieu. Qu’ai-je fait pour mériter cela ? Pourquoi ont-ils décimé ma famille ? », criait-il, les yeux fixés sur le ciel. Ses joues inondées des larmes, de jeunes hommes essaient difficilement de le calmer, maîtriser.
Sous le choc, certaines femmes ou de jeunes filles ne parvenaient même pas à marcher. Elles chancelaient avant de s’évanouir. D’autres cercueils sont arrivés à bord d’un véhicule de la police, en tout et pour tout, 19 cercueils.
« Tuer n’est pas une solution »
Une messe de requiem a eu lieu, sous l’égide de Monseigneur Anatole Ruberinyange, Vicaire de l’Archidiocèse de Bujumbura. « Dans n’importe quel conflit, la réponse n’est pas de verser le sang ou prendre les armes, seule la voie du dialogue résout pacifiquement des problèmes. Tuer n’est pas une solution aux problèmes. Au contraire, les tueurs récoltent la malédiction », a-t-il prêché. Il a d’ailleurs rappelé qu’un des dix commandements de Dieu interdit de tuer.
D’après lui, il n’y a aucune justification possible pour tuer : « Si tu tues une ou plusieurs personnes allant jusqu’à commettre un massacre, qu’on sache que cette voie n’est jamais une solution ou ne résout jamais les problèmes ».
Et d’implorer le bon Dieu : « Au nom de Dieu, nous vous supplions. Que du sang ne soit plus versé dans ce pays, il y en a eu assez. » Pour ce prélat, il est temps que cesse tout enterrement de gens suite aux tueries sans nom au Burundi.
A l’assemblée présente, Mgr Ruberinyange leur a demandé de prier pour ces tueurs : « Il faut qu’ils se reconvertissent, qu’ils retrouvent la voie de l’amour et de la fraternité. Qu’ils déposent les armes, qu’ils se ressaisissent, qu’ils se repentent. »
« Ils seront traqués, arrêtés et jugés »
Après la messe de requiem, l’inhumation a eu lieu, au cimetière de Warubondo. Dans son mot de circonstance, Martin Ninteretse, ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, a déclaré que ceux qui ont commis cette attaque sont des terroristes.
D’après lui, ils ont commis un crime contre l’humanité, en tuant des enfants, des bébés, des vieillards, des femmes enceintes : « Ils n’ont plus de cœur ».
Il a encore une fois adressé des condoléances aux familles éprouvées tout en promettant que le gouvernement va faire tout son possible pour arrêter les auteurs et les complices de cette tragédie. « Qu’ils soient au Burundi ou à l’étranger, ils seront traqués, arrêtés et jugés ».
« Nous allons collaborer avec INTERPOL (Organisation internationale de police criminelle). Nous avons déjà saisi l’INTERPOL. Même d’autres criminels ont été rapatriés et jugés. C’est l’étape qui doit suivre dans les meilleurs délais », a souligné M.Ninteretse.
Et d’annoncer que le gouvernement s’est engagé à assister les familles des victimes et les blessées aussi. « Nous appelons alors les autres, les Burundais, des bienfaiteurs à leur venir en aide, de les accompagner dans ces moments de dures épreuves.» Car, a-t-il souligné, la majorité des victimes, leurs familles vivaient des conditions précaires, n’avaient pas assez de ressources.
D’après le ministre Ninteretse, le Burundi n’est pas en guerre. Aux comités mixtes de sécurité, il leur a été demandé de faire convenablement leur travail et signaler tous les cas suspects à temps pour éviter de revivre une pareille situation. « Les résultats des enquêtes sur cette attaque seront communiqués », a-t-il promis.
Pour sa part, Bonaventure Minani, un représentant des familles touchées a remercié le gouvernement pour son assistance. « Nous avons besoin de voir un jour, ceux qui ont tué les nôtres, jugés et punis », a-t-il plaidé. Il a remercié aussi les autorités provinciales, communales d’être arrivées sur terrain pour les réconforter après cette tragédie.
Réactions
Révérien Ndikuriyo : « Le terrorisme a endeuillé le Burundi »
Sur son compte X, Révérien Ndikuriyo, secrétaire général du parti au pouvoir a condamné ce drame : « Le parti CNDD- FDD condamne le terrorisme qui a endeuillé le Burundi. Nous remercions le gouvernement qui s’est dépêché dans l’immédiat pour secourir les blessés ». Il a fait savoir que Sogo (grand-père, allusion à l’ancien président Pierre Nkurunziza) avait dit de ‘’bâtir le pays avec vigilance, car les ennemis sont toujours là ». Et d’insister : « Dans la quadrilogie, veillons à la paix et la sécurité ».
Simon Bizimungu : « Au moins un seul jour de deuil national »
D’après Simon Bizimungu, secrétaire général du parti CNL, son parti a été très touché par l’attaque de Gatumba où 20 personnes innocentes ont été sauvagement tuées. « Nous condamnons fermement ce crime et toute attaque dirigée contre une population civile dans leurs ménages. Le pays a déjà perdu beaucoup de gens dans de pareilles situations.»
Pour lui, aujourd’hui, il est temps de faire une introspection pour constater que le pays n’a rien gagné avec de telles attaques perpétrées dans le passé. Le parti CNL a adressé de sincères condoléances aux familles éprouvées.
Il a demandé que les auteurs de ce crime soient poursuivis en justice. Et pour prévenir cela, M.Bizimungu trouve que les forces de sécurité devraient redoubler d’efforts pour protéger la population. « Ceux qui ont des réclamations doivent le faire pacifiquement et pas en versant le sang des Burundais », plaide-t-il.
Pour le parti CNL, après cette tragédie, l’Etat devrait décréter au moins une journée de deuil national.
Kefa Nibizi : « Aucun problème au Burundi ne nécessite la voie de la guerre »
« Le parti CODEBU condamne fermement tous les commanditaires et les exécutants de cet acte ignoble qui s’est abattu sur des populations civiles », déclare Kefa Nibizi, son président. Il regrette que plusieurs fois des attaques soient perpétrées ici et là, mais celle de Gatumba est très choquante.
Pour lui, il est vrai que le Burundi comme tous les pays du monde ne manque pas de défis, mais qu’il n’y a aucun problème au Burundi qui nécessite la voie de la guerre pour trouver une solution. Pour le président du CODEBU, la plupart des groupes armés, même s’ils finissent par devenir des partis politiques, sont moins démocratiques et ils sont moins imprégnés des valeurs de bonne gouvernance.
Le parti demande que tous les Burundais qui ont des revendications même socio-politiques doivent s’abstenir de prendre des voies de violence et surtout éviter de s’attaquer à des populations innocentes : « Les personnes qui ont été massacrées à Gatumba n’ont aucune implication dans les problèmes que connaît le Burundi. »
M.Nibizi estime que le gouvernement doit renforcer la sécurité frontalière notamment à la frontière burundo-Congolaise. Il souhaite que des mécanismes collaboratifs de sécurité avec la RDC soient pensés pour étouffer tous ces groupes rebelles encore sur le sol congolais.
Patrick Nkurunziza : « Il n’y a aucun motif de tuer des gens »
« Le parti FRODEBU a appris avec tristesse la mort de plusieurs personnes dans une attaque armée à Vugizo. Nous adressons nos sincères condoléances aux familles éprouvées et souhaitons prompt rétablissement aux blessés », lit-on dans un communiqué de ce parti, sorti, le 25 décembre et signé par Patrick Nkurunziza, son président.
Pour ce parti de feu Melchior Ndadaye, il n’y a aucun motif de tuer des gens. « Quelle que soit leur origine, appartenance politique, ethnique ou religieuse. Nous demandons que le sang des Burundais ne soit plus encore versé. »
Au gouvernement, aux forces de l’ordre et de sécurité, ce parti demande d’assurer la sécurité de tous les Burundais même des étrangers résidant dans le pays. Pour lui, les auteurs de ces crimes doivent être poursuivis en justice et être punis.
Aloys Baricako : « Un vrai rebelle cherche à gagner la confiance de la population »
« Dans l’indignation totale, le parti RANAC adresse ses condoléances les plus attristées aux familles éprouvées, aux habitants de Gatumba et à la nation burundaise », réagit Aloys Baricako, son président.
Pour lui, le Burundi est sur la voie de la démocratie Dans cette dynamique, poursuit-il toute personne ayant un projet de société peut le faire par voie démocratique. « Il n’y a plus de raisons de passer par une rébellion armée pour chercher à conquérir le pouvoir au Burundi. »
D’après lui, pour libérer un pays, il faut avoir un projet de société bien structuré et non tirer sur des populations civiles et sans armes : « Un vrai rebelle cherche à gagner la confiance de la population s’il a une cause réelle à défendre. S’il n’arrive pas à le faire, c’est que les raisons de se rebeller ne sont pas fondées. »
Toutefois, il trouve que la naissance des rebellions rentre dans l’impunité qui, depuis longtemps gangrène la société burundaise : « Des auteurs des crimes sont toujours là et ils n’ont jamais été inquiétés. Il faut activer la machine punitive pour qu’on arrive un jour à un « Plus jamais ça ».»
Et de se demander si au Burundi il y a réellement une rébellion : « Nous entendons souvent des groupes de rebelles comme Red-Tabara et FNL de Nzabampema opérant sur le territoire de la RDC. Si ce sont eux qui tuent la population de Gatumba alors que c’est le seul passage à pied pour attaquer le territoire burundais, comment vont-ils avoir le soutien populaire ? »
M.Baricako demande à la population de Gatumba de rester sereine, de toujours coopérer avec les autorités, mais aussi pointer du doigt les responsables de ces « crimes contre l’humanité » et leurs complices.
Sixte-Vigny Nimuraba : « Un crime odieux »
Presqu’une semaine après cette attaque, la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) a condamné avec fermeté cette attaque.
Dans un communiqué sorti ce jeudi 28 décembre 2023 et lu par son président, cette attaque est un crime odieux. « C’est une négation de la déclaration universelle des droits de l’homme qui dispose dans son article 3 que tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la souveraineté de sa personne », a souligné Sixte Vigny Nimuraba, son président. « C’est aussi contraire à la constitution du Burundi qui prescrit dans son article 24 que toute personne humaine a droit à la vie.»
Il a rappelé que « la vie est sacrée et personne n’a le droit de l’ôter à son semblable ».
La CNIDH recommande au gouvernement, d’engager tous les moyens pour accélérer les enquêtes déjà en cours en vue d’identifier et traduire les auteurs de ces forfaits macabres devant la justice. Et aux forces de l’ordre, la CNIDH leur recommande de redoubler d’efforts dans la traque et le démantèlement de ces groupes armés.
Jean De Dieu Mutabazi : « Des investigations pour identifier les auteurs… »
Dans un communiqué sorti quatre jours après l’attaque de Vugizo, à Gatumba et l’inhumation de 19 victimes, l’Observatoire national pour la prévention et l’éradication du génocide, des crimes de guerre et des autres crimes contre l’humanité (ONPGH) demande à la justice burundaise d’user de tout son pouvoir pour diligenter des investigations. « Et ce, en vue d’identifier et châtier tous ceux qui portent une responsabilité de près ou de loin dans ce crime d’atrocités de masse de nature terroriste », précise ce communiqué signé par Jean De Dieu Mutabazi, son président.
Selon cet observatoire, cela rappelle celui qui avait été commis en 2018, sur la colline Rugarika, en province Cibitoke.
Via ce communiqué, l’ONPGH demande à toute la population burundaise, dans toutes ses diversités ethniques, religieuses et politiques de renforcer davantage sa cohésion sociale, continuer à consolider encore plus la paix chèrement acquise en travaillant étroitement avec les forces de l’ordre et les administratifs.
Discussion about this post