By IWACU
Au Burundi, l’engagement politique féminin reste encore minime. C’est ce que réaffirme le président du FDP lors d’un atelier d’échanges et de réflexions avec les représentantes des femmes affiliées aux partis politiques au niveau national tenu à Gitega, jeudi 8 février.
« Pour une plus large représentation des femmes dans les institutions, il faut une large présence des femmes dans les organes dirigeants des partis politiques », lâche un observateur de la politique burundaise. Sous le thème : « sensibilisation de la femme à élire et se faire élire », le Forum permanent de Dialogue des Partis politiques agréés au Burundi (FDP) a organisé, le 8 février un atelier d’échange et de réflexion. C’était pour « inventorier les obstacles qui font que les femmes ne se fassent pas élire et les activités à mener pour que la femme puisse se faire élire », fait savoir Félicien Nduwuburundi, président du FDP.
Dans la foulée, le FDP a demandé aux leaders des partis politiques et aux autres hommes politiques burundais de laisser leurs femmes entrer librement dans les partis politiques. Mais aussi de les soutenir financièrement.
Par ailleurs, poursuit le président du FDP, le fait que le débat autour de la faible représentation des femmes au sein des formations politiques soit devenu une rengaine à la veille de chaque échéance électorale est une façon d’éveiller les consciences des femmes. Mais quid des raisons de cette sous-représentation des femmes ?
Le poids de la culture
« Durant notre parcours politique, il y a des défis que nous rencontrons. Parmi ces défis, il y a ceux qui nous renforcent et d’autres qui nous font sous-estimer. Mais dans tous les cas, lorsque tu es une leader, tu dois être comme une mère dans une famille. Tu dois voir loin, pousser loin et surtout penser à la réalisation des objectifs engagés », laissent entendre nos sources interrogées.
Motivée par la justice, la paix, la promotion des droits humains, surtout l’égalité de genre, Kathy Kezimana est actuellement députée à l’Assemblée législative de l’Afrique de l’Est. Elle soutient que la culture est l’une des barrières à l’engagement politique des femmes : « Le rôle que la société attribue à la femme la bloque énormément. Femme au foyer, qui doit rentrer tôt, qui doit avoir la permission du mari, etc. »
Cécile Nshimirimana est la présidente du Front pour la Libération Nationale (Frolina). Elle trouve que la faible représentativité des femmes dans les organes dirigeants des partis politiques et dans d’autres instances de prise de décision est liée à la culture et au statut social d’une femme dans la société burundaise. « Les relations homme-femme font en sorte que le rôle de la femme est confiné à la seule reproduction ».
Elle déplore qu’il y a un adage rundi qui fait qu’une femme burundaise soit déconsidérée ou mise en situation d’infériorité : « La poule ne chante pas quand il y a des coqs. »
Même voix pour Khadiatou Nzojibwami. Elle est membre du bureau politique et représentante des femmes « lionnes » du parti la Démocratie et la Réconciliation, Sangwe-PADER. Cette femme qui a commencé sa carrière politique en 2002 dans ce même parti ne mâche pas ses mots : « La culture est à l’origine de cette faible participation politique des femmes. » Pour elle, depuis son bas âge, la femme burundaise se trouve toujours en situation d’infériorité, la manière dont elle a été élevée et sa conscience impactent sa vision du monde politique. C’est ce que le président du FDP appelle « le manque d’une culture politique ».
Ainsi les femmes, explique Mme Nzojibwami, placent rarement leur confiance en d’autres femmes. D’où elle propose que les femmes soient sensibilisées sur leur soutien mutuel.
L’argent, le nerf de l’engagement politique
La représentante des femmes de Sangwe-PADER assure que la question de moyens est aussi un autre obstacle : « Vous voyez que le projet de code électoral prévoit de revoir à la hausse la caution électorale. Dans ce cas, le mari peut refuser de verser cette caution, d’autant plus qu’il n’est pas rassuré que tu vas être élue. »
Quant à la présidente du Frolina, elle observe que les femmes doivent disposer de moyens matériels et financiers pour conquérir le pouvoir. Or, lâche-t-elle, la plupart de femmes ne travaillent pas. Elles dépendent de leurs maris. Pour elle, la participation aux campagnes électorales est un véritable investissement. « Les déplacements, les techniques de persuasion et de formation des alliances, les moyens de communication et les lobbyings sont toujours plus coûteux pour les femmes ».
Et Mme Kezimana de la compléter : « La femme qui, économiquement, est encore très en arrière a des difficultés énormes à s’engager politiquement. »
Ainsi se résume les défis pour une femme de se faire élire au sein des directions des partis politiques.
Le temps qui fait défaut
Un autre obstacle, selon toujours la présidente du Frolina, c’est le défaut de temps qui empêche les femmes à s’engager activement dans les partis politiques surtout dans les directions des partis. « Etre membre d’un organe dirigeant d’un parti exige plus d’engagement et plus de temps qu’un simple membre. Tu dois participer régulièrement aux réunions du parti, faire des descentes sur le terrain à des fins de propagande, de sensibilisation et de recrutement des membres ». Or, le temps d’une femme burundaise a toujours été limité, surtout dans les milieux ruraux où les femmes doivent s’occuper des travaux ménagers.
Toutefois, Mme Nshimirima garde toujours espoir : « Les femmes commencent à prendre conscience. Demain ou après-demain une femme pourra se porter candidate à la présidentielle. »
A toutes ces obstacles, Mme Nzojibwami ajoute le niveau d’études comme un autre handicap à la participation politique des femmes : « Il y a des places qui exigent un diplôme de niveau élevé, mais il se trouve que la plupart des filles ou femmes n’ont pas ce diplôme. » Tandis que le président du FDP évoque l’égoïsme de certains leaders des partis politiques qui ne veulent pas que les femmes puissent figurer sur les listes électorales.
Pour que les femmes puissent contribuer à la bonne préparation du processus électoral en cours, la représentante du parti Frolina estime qu’«il faut mener des actions de sensibilisation des femmes pour les inciter à se faire élire à tous les niveaux ». Et d’ajouter qu’il faut aussi adopter et mettre en œuvre des projets et programmes permettant à la femme d’avoir des moyens de se faire élire et encourager celles qui ont déjà franchi le cap.
La députée de l’ELA nuance les choses : « Il n’y a pas de rôle particulier pour les femmes, le processus électoral concerne tous, hommes et femmes. Mais, estime-t-elle, la femme naturellement pacifique peut contribuer énormément au bon déroulement des élections.
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