By IWACU
« Il n’existe pas de religion valable qui se désintéresse des hommes ». C’est la réponse d’un évêque catholique burundais à la question de savoir pourquoi l’Association des conférences épiscopales d’Afrique centrale (ACEAC) multiplie des déclarations et recommandations envers les Chefs d’Etat de la région des Grands Lacs.
En effet, depuis que le Burundi a décidé de fermer toutes ses frontières terrestres avec le Rwanda, le 11 janvier 2024, les évêques du Burundi, de la RD Congo et du Rwanda, membres de cette association n’ont pas cessé de se rencontrer. Dans un communiqué de presse à l’issue de la session ordinaire du comité permanent du 23 au 26 janvier 2024 à Ruhengeri (Rwanda), « les évêques regrettent amèrement la détérioration des relations interétatiques entre nos pays. La mesure récente de la fermeture des frontières terrestres entre le Burundi et le Rwanda les a plongés dans une inquiétude angoissante par rapport à la vie et à la survie des ménages moyens. Ils recommandent le dialogue comme solution dans les crises qui affectent la sous-région. »
Dans un document intitulé « l’Exhortation des Conférences épiscopales d’Afrique centrale aux habitants de la sous-région des Grands Lacs, signé le 28 janvier à Kinshasa, les évêques recommandent aux gouvernants des trois pays à ne pas fermer les frontières, mais de les ouvrir en garantissant la sécurité des personnes, des biens et des territoires. « N’érigez pas les murs, mais les ponts. La vie et le développement des milliers des personnes en dépendent aussi. » En octobre 2023, ils avaient tenu une réunion « spéciale » de trois jours à Rome pour « trouver des voies alternatives pour la construction de la paix, la sortie de la crise sécuritaire aux zones-frontières des pays des Grands Lacs et la résolution pacifique des conflits ».
Plus d’un se demandent l’impact de tous ces appels et recommandations à l’apaisement de la brouille diplomatique entre ces pays dont les dirigeants sont à couteaux tirés. Surtout que pour certains analystes, l’Eglise s’est compromise dans le délabrement de l’ensemble des pays, notamment ses relations avec les acteurs politiques en donnant l’impression de donner aux dérives de ceux-ci une caution morale.
Acteur incontournable dans le devenir de la société des pays des Grands Lacs, l’Eglise catholique a beaucoup œuvré pour le développement et la paix. Elle a également beaucoup dénoncé les dérives, la corruption, les injustices, la violence politique et socio-économique.
Au Burundi, on se souvient du rôle joué par la Communauté de Sant’Egidio de Rome dans les années 1996-1997 pour le rapprochement entre le gouvernement de Buyoya et le mouvement rebelle, le CNDD représenté à l’époque par Léonard Nyangoma. Malgré certaines critiques, cette initiative privée et secrète a été remarquable en ce sens qu’elle a réussi à mettre en présence les deux protagonistes principaux du conflit burundais à une époque où chacun restait prisonnier de la représentation diabolisée qu’il a de l’autre. Loin d’être un échec, elle est plutôt considérée comme un véritable ‘brise-glace’. Les médiateurs catholiques sont parvenus à mettre en présence des parties antagonistes pour lesquelles la seule idée, voire le mot « négociations » n’était pas envisageable.
Par ailleurs, des analystes sur des relations entre nos pays sont d’avis que fermer les frontières impose beaucoup de souffrances et privations aux populations surtout frontalières. Face aux conséquences néfastes qui n’ont pas tardé à se manifester sur nos populations, chacun doit prendre ses responsabilités : les dirigeants politiques, les partis politiques, la société civile, les médias, les confessions religieuses. L’Eglise catholique prend les siennes avec sa démarche propre… « Gérer l’humain pour pouvoir gérer l’âme », dixit un prélat burundais.
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