By IWACU
Quelques semaines après la prestation de serment des membres de la Commission électorale nationale indépendante du Burundi, Iwacu a rencontré son porte-parole pour faire le point sur ses grandes priorités et les actions en cours ou à mener afin de bien conduire les élections à venir. Certains chefs de partis politiques interrogés plaident pour une « inclusivité du processus électoral »
Lors d’un entretien que le porte-parole de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), François Bizimana a accordé à Iwacu, le mercredi 24 janvier 2024, il affirme l’engagement de la commission à organiser des élections crédibles, transparentes, inclusives et apaisées.
Il indique que depuis le 17 janvier 2024, date à laquelle les membres de ladite commission ont prêté serment, ces derniers se sont directement mis au travail. « Nous nous sommes en effet fixés un certain nombre de priorités et d’activités à mener pour conduire à bon port le processus électoral de 2025 ».
Quid de ces priorités ?
D’après le porte-parole de la Ceni, la première priorité est d’abord l’élaboration de son règlement d’ordre intérieur (ROI) puisque tout ce que les membres de la commission doivent faire, ils doivent se référer au ROI tel que l’exige l’article 10 du décret nº 100/125 du 27 août 2018 portant organisation et fonctionnement de la Ceni. Il dispose en effet que : « les attributions détaillées des différents services font objet d’un règlement d’ordre intérieur adopté au plus tard un mois après la nomination des membres de la commission ».
Il explique que même si les membres de la Ceni ont été nommés le 11 décembre 2023, le règlement d’ordre intérieur n’est pas encore disponible. Il avance que la cause en est que leurs fonctions ont commencé avec la prestation de serment comme le dit l’article 7 du décret précité qui stipule que : « lors de leur entrée en fonction, les membres de la Ceni prêtent solennellement serment devant le président de la République, le Sénat et l’Assemblée nationale ».
M.Bizimana insiste pour dire que l’élaboration du règlement d’ordre intérieur avant la prestation de serment des membres de la Ceni serait donc contraire à la loi. « Après notre nomination, nous n’avons pas procéder à l’élaboration du ROI avant la prestation de serment puisque cela serait en contradiction avec ce que dit la loi » avant de rassurer que pour le moment ils sont à l’œuvre.
Après avoir élaboré le ROI, le porte-parole de la commission fait savoir que l’étape suivante sera l’élaboration du budget de fonctionnement de la Ceni.
La troisième priorité de la Commission selon toujours son chargé de la communication, sera l’organisation des travaux de terrain qui vont avec la période pré-électorale. Ces travaux se feront en deux temps. D’abord, il s’agira de procéder à l’éducation civique de la population. L’objectif étant de : « contribuer à la création d’un environnement socio-politique apaisé pour la tenue des élections ainsi qu’à la consolidation des valeurs démocratiques telles que les valeurs de paix, de tolérance, du vivre ensemble et de coopération. »
Afin d’y arriver, M.Bizimana précise que la Ceni est en train d’élaborer un certain nombre de modules qui vont faciliter la communication avec la population.
Une autre chose à réaliser à travers la troisième priorité est l’éducation électorale. L’objectif visé est de rappeler à la population les différents scrutins envisagés en 2025, à savoir les élections législatives ; les communales et collinaires.
Il est aussi question d’indiquer aux citoyens la manière dont tous ces scrutins seront organisés. Les agents électoraux seront également formés. Les électeurs seront informés sur pourquoi ils doivent voter ; quand ils vont voter et où vont se dérouler les élections.
« Nous allons également procéder à l’élaboration du fichier électoral, c’est-à-dire la cartographie électorale ; l’enrôlement des électeurs ainsi que le traitement des données issues de cet enrôlement. », précise le porte-parole de la Ceni. Il profite de l’occasion pour tranquilliser une certaine opinion qui lie la constitution du fichier électoral avec les résultats du recensement général de la population qui est prévu au mois d’août 2024.
« Avec ou sans recensement général de la population, la Ceni peut connaître ceux qui ont 18 ans révolus et qui vont voter en 2025. Puisqu’elle va procéder à l’enrôlement des électeurs sur toutes les collines. Le rapport du recensement est certes intéressant, mais il ne peut pas retarder le processus électoral. » rassure-t-il avant de faire remarquer que des élections ont déjà été organisées au Burundi sans faire le recensement général de la population.
Il en est de même pour ce qui est de la carte d’identité biométrique. François Bizimana rassure également que la Ceni a tous les outils qu’il faut pour organiser les élections de 2025. « Si la carte biométrique est disponible, la Ceni en tiendra compte. Même dans le cas contraire, la commission ne sera pas gênée. Il y a moyen de recourir aux mêmes documents qui ont été utilisés en 2020. »
Concernant le chronogramme des activités, le porte-parole de la Ceni indique que la commission est en train d’identifier les actions à mener et elle va les communiquer le moment venu. Toutefois, il précise que les Commissions électorales provinciales indépendantes (Cepi) et les Commissions électorales communales indépendantes (Ceci) seront mises en place au mois de juin 2024.
Des subventions versées régulièrement
Un autre volet que M. Bizimana a soulevé est le financement des élections et la logistique électorale. Au niveau du financement électoral, le porte-parole de la commission se réfère à l’article 20 du décret nº 100/125 du 27 août 2018 portant organisation et fonctionnement de Ceni qui dispose que : « les ressources de la commission proviennent des subventions inscrites annuellement au budget général de l’Etat, des fonds provenant des bailleurs bilatéraux et multilatéraux, des dons et legs ». Ces subventions sont régulièrement versées sur le compte de la Ceni, informe-t-il.
Bien plus, ajoute-t-il, la Ceni va aussi collaborer avec les partenaires bilatéraux et multilatéraux tout en veillant à ce que le caractère indépendant de la commission soit sauvegardé.
Concernant la logistique électorale, François Bizimana indique que certains matériels réutilisables appelés communément matériels électoraux lourds existent déjà dans les entrepôts de la commission. Il cite, entre autres les urnes, les isoloirs qui ont été utilisés au cours des élections de 2020. « S’il advenait que ces matériels ne soient pas suffisants, nous allons procéder à la commande d’autres. Sinon le gros existe déjà. Nous allons seulement passer des commandes pour le matériel électoral sensible comme les cartes d’électeur ; les bulletins de vote et l’encre indélébile. »
M. Bizimana aborde également la question de l’observation électorale. Il souligne que cette dernière est volontaire. « Nous allons demander à ceux qui voudront bien participer à l’observation électorale de se manifester et la Ceni va analyser leurs cas. » Mais le principe est très clair là-dessus. Il y aura des observateurs nationaux et internationaux qui voudront bien se manifester, insiste-t-il. Et d’ajouter que l’expertise est un critère fondamental pour l’éligibilité des observateurs car les élections obéissent à certaines normes.
Impliquer tous les acteurs intéressés
Tous les responsables des partis politiques interrogés recommandent à la Ceni une implication au processus électoral en cours de tous ceux qui sont intéressés par les élections.
Ainsi par exemple, Patrick Nkurunziza, président du parti Frodebu estime que la principale mission de la Ceni est de préparer et d’organiser des élections apaisées, libres, transparentes et démocratiques. Elle doit donc associer les partis politiques à chaque étape du processus électoral, c’est-à-dire de l’élaboration du fichier électoral à la proclamation des résultats. « La Ceni doit organiser des réunions régulièrement avec tous les partenaires aux élections, particulièrement les partis politiques ». La mise en place des démembrements de la Ceni doit obéir, insiste-t-il, au principe d’inclusivité.
D’après ce politique burundais, comme priorité, la commission devra procéder à l’analyse de l’environnement politico-sécuritaire, économique et social qui prévaut actuellement dans le pays. Cela devra précéder à l’éducation civique et électorale de la population et des membres des partis politiques.
Même voix du côté du parti Codebu-Iragi rya Ndadaye. Kefa Nibizi, son président, considère que la Ceni devra urgemment se consacrer à organiser des réunions avec tous les intervenants dans le processus électoral notamment les partis politiques, la société civile, l’administration à la base et la police. L’objectif selon ce politique est de « définir ensemble le mode de collaboration qui sera mis en œuvre pour la bonne conduite du processus électoral. »
Il fait un clin d’œil sur les problèmes qui pourraient handicaper le processus électoral comme par exemple la non-indépendance de la Ceni ; le harcèlement des mandataires des partis politiques de l’opposition et bien d’autres. M.Nibizi invite tous les partis politiques intéressés à se coaliser pour mieux organiser l’observation électorale accrue et réaliste jusqu’aux bureaux de votes. « C’est le seul moyen d’ailleurs dont disposent les partis politiques. »
Aloys Baricako est le président du Ranac. Il estime que la priorité de la Ceni devait être d’abord la prise de contact avec tous les parties prenantes au processus électoral, fondamentalement les partis politiques. « Les démembrements de la Ceni devront être multicolores pour au moins avoir une confiance aux élections. »
Le hic, c’est que la situation risque d’être la même que celle qui s’est manifestée lors des réunions du ministre de l’Intérieur avec les responsables des partis politiques. « Le ministère de l’Intérieur nous a associé à la proposition de ce qui devrait être les contenus de la loi communale et du code électoral. Malheureusement, nos contributions n’ont pas été tenues en considération eu égard à ce que le secrétaire général d’Etat a publié comme déclaration finale du Conseil des ministres qui a délibéré sur ces deux textes », déplore M.Baricako.
Le parti APDR ne s’éloigne pas de ses pairs. Son président, Gabriel Banzawitonde suggère en effet que pour éviter des suspicions, les documents suivants devront être disponibles à temps : le Code électoral ; la Carte d’identité biométrique ; la loi communale ; le Code de bonne conduite et la Feuille de route.
Gabriel Banzawitonde estime que la priorité de la Ceni est d’organiser des réunions avec les parties prenantes pour mettre en place ensemble des Cepi et des Ceci consensuelles. Les autres priorités sont de déterminer la cartographie électorale et de rassembler les matériels nécessaires à temps.
Il estime aussi que le climat politique devrait également être assaini en « laissant notamment travailler librement les politiques ainsi qu’en favorisant tout le monde qui voudrait observer les élections. »
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