By IWACU
Le mal est déjà fait, des échanges désobligeants, va-t-en guerre, ont été entendus ces derniers jours, une véritable joute verbale entre Kigali et Gitega. Malgré les communiqués, les ripostes subtiles mais piquantes, les démentis, les mises au point et autres rectificatifs, plus ou moins maladroits, les tensions, loin de baisser d’intensité se sont envenimées, se nourrissant d’attaques et de contre-attaques des communicants et autres trolls des deux faux jumeaux.
Source de cette surenchère verbale : un message livré à Kinshasa par le Champion de l’Agenda Jeunes, Paix et Sécurité de l’UA, le chef de l’Etat burundais, Evariste Ndayishimiye, dans une rencontre avec des jeunes congolais, organisée en marge des cérémonies d’investiture du Président Félix Tshisekedi, vainqueur, dans la contestation, des dernières élections.
Au cours de ces échanges, le Président burundais a invité, entre autres, la jeunesse rwandaise « tenue en otage à se défaire de leurs leaders ». Des propos qui ont suscité indignation et colère à Kigali.
Il me semble que le grand perdant dans cette région des Grands Lacs aux grands maux, est cette jeunesse même. Elle n’a pas besoin de ces appels au ralliement, de ces discours au vitriol, de ces frontières fermées. Cette jeunesse a besoin d’explorer, de tenter sa chance, de percer, de rêver grand, de se réaliser.
Le plus triste, c’est que nous ne savons pas tirer des leçons des vicissitudes du passé récent. Flash-back. Après les événements sanglants de 1972, le régime rwandais de Grégoire Kayibanda qui vient d’accueillir des milliers de réfugiés burundais fuyant les massacres, se retrouve aux prises avec Bujumbura dans une sorte de guerre des ondes.
Kigali déteste le Lt-Gl Michel Micombero et digère mal la toute première attaque des ’’Inyenzi’’, des réfugiés rwandais venus du nord du Burundi en 1963 à la veille de Noël.
Les deux chefs d’Etat via leurs radios nationales se répandent en invectives. « Iyo radiyo yanyu ni igicuma », « Votre radio, c’est une calebasse », lancera le président Kayibanda.
Tout le monde est à l’écoute. Je me souviens des infos écoutées sur le vieux transistor Philips de mon papa. Des voisins rwandais nous traduisent ce message. Je suis petit à cette époque mais dans mes souvenirs d’enfant cette phrase restera gravée.
A son tour, Micombero lance un ultimatum : « Muce mu kuzimu, tuzobatuma ifuku, muce mu mazi tuzobatuma ingona, muce mu kirere tuzobatuma inkuba. » (Si vous passez par des tranchées, nous vous enverrons des taupes, si vous empruntez le chemin des airs, nous vous enverrons la foudre, si c’est par voie maritime, vous aurez affaire aux crocodiles comme messagers de notre part. NDLR ».
Hier Kayibanda Vs Micombero, aujourd’hui Kagame Vs Ndayishimiye. C’est à pleurer, comme si nous n’apprenons rien de l’histoire. Dans la sagesse infinie de nos chères patries, si la parole est d’argent, la retenue est d’or, encouragée : la bonne parole est celle qui est tue.
La parole lâchée, même quand c’est d’une finesse digne des plus habiles des tribuns, peut devenir débridée, échapper à tout contrôle, se répandre comme une trainée de poudre, peut être mal interprétée, amplifiée voire déformée, elle peut alors blesser au lieu de galvaniser des jeunes pour de justes et nobles causes.
Discussion about this post